Retour sur le climat politique en Afrique en 2023 : Prisonniers Politiques et Droits de l’Homme dans la tourmente
Introduction
Quels sont les défis pour les défenseurs des droits de l’homme en Afrique en 2023 ?
Partout où l’on regarde sur la planète, l’arbitraire et la violence étatique gagnent du terrain. Sur le continent, la poigne de fer de leaders sans scrupules se resserre autour du cou du citoyen engagé. Il se retrouve sans autre choix que de se soumettre, collaborer ou s’exiler. Ils sont toujours plus nombreux sur les routes de l’exil où ils rencontrent le rouleau compresseur Frontex en Méditerranée ou leur garde-chiourme en Libye comme en Tunisie. D’innombrables victimes à l’instar de Fati et sa fille de 6 ans Marie, ont été livrés à la mort par la soif après avoir été abandonnées dans le désert par les autorités tunisiennes. Mayotte a été le théâtre d’une opération militaire d’ampleur déplaçant populations et détruisant les habitations des Comoriens traités en indésirables et blâmés pour tous les maux frappant l’île sous occupation française.
Ces chemins où des Africains perdent la vie ou la liberté en cherchant à la gagner.
Les réseaux sociaux se sont fait la caisse de résonance de conflits meurtriers semble-t-il oubliés de la couverture médiatique occidentale. Le Soudan, où 24 millions d’enfants sont en danger de mort, se déchire et les récits terrifiants des victimes civiles massacrées sous les tirs croisés des anciens alliés, SAF et RSF, laisseront des traces profondes dans la région.
Comment l’Afrique est-elle affectée de manière disproportionnée par la crise climatique, et quelles en sont les conséquences pour ses populations ?
Crise Climatique et Répercussions Sociales
On ne peut naturellement se satisfaire du bilan de la situation politique et sociale en Afrique en 2023. Le continent brûle littéralement. À l’origine de seulement 4% des émissions de gaz à effet de serre selon le Secrétaire Général de l’ONU A. Gutierrez, l’Afrique paie pourtant le prix fort de la crise climatique : sécheresse au Kenya et désertification dans la corne de l’Afrique, cyclones, montées des eaux et inondations au Rwanda et en Ouganda, entre autres, provoquent des pénuries alimentaires, une hausse des prix, des déplacements de population et des crises politiques.
Quel rôle doit jouer la force militaire dans le maintien de la souveraineté des États africains ?
Bouleversements politiques et militarisation
Un vent de révolte a balayé le Sahel et (encore) fait tombé comme un château de cartes les pouvoirs au Niger, Gabon. Il a emporté avec lui les forces militaires françaises poussées vers la sortie du Niger par un fort sentiment anti-français pour une fois unanimement partagé à la fois dans la population et chez leurs nouveaux dirigeants.
Le coup d’état a fait son grand retour depuis 2020 et se permet même le luxe d’un bis repetita au Burkina Faso et au Mali. Signe d’une instabilité persistante qui peut inquiéter vu les enjeux géopolitiques et sociaux majeurs pour l’avenir du continent dans ces territoires exposés aux dangers du dérèglement climatique comme étatique. Les militaires qui ont réussi leur coup peinent à tenir leur promesse de transition démocratique vers un pouvoir civil et n’en finissent pas de proroger leur mandat.
Si chez Afrikki, notre engagement pour un pouvoir démocratique sans ingérence militaire est sans équivoque, la question de la force comme moyen de maintenir la souveraineté des États africains mérite d’être soulevée. La Russie gagne toujours plus en popularité comme alternative aux alliances avec l’Occident. Malgré les mesures populaires qu’il peut porter comme la suppression du Français comme langue officielle au Mali comme au Burkina Faso et la réhabilitation politique des langues locales, un pouvoir militaire fonde sa légitimité dans la force et le populisme. En 2024, les organisations pro-démocraties devront tenir une ligne d’équilibre entre les aspirations légitimes des peuples pour plus de souveraineté et la menace contre les droits et libertés fondamentales que représentent les régimes militaires, aussi pétris de panafricanisme et de patriotisme qu’ils prétendent être.
Exploitation économique, corruption et Impérialisme
Comment la tech et l’industrie contribue-t-elle à la course mondiale vers l’exploitation économique de l’Afrique ?
Nos territoires aiguisent les insatiables appétits impérialistes. La course s’accélère vers la réduction des émissions de CO2. Elle passe par l’électrification du parc automobile mais également la production massive d’appareils électroniques dont l’obsolescence programmée et les stratégies marketing en font des produits prêts à jeter malgré leurs coûts humains et environnementaux énormes. Cela rend toujours plus désirable les minerais que l’on retrouve dans nos terres, extrait dans des conditions indignes. Cela attire la convoitise des corporations et nourrit les conflits créés de toutes pièces par quelques acteurs soucieux de se partager ce sanglant gâteau lucratif et stratégique. L’Afrique plus que jamais, demeure un Far West qui s’offre via l’intermédiaire d’autorités dirigeantes sans scrupules, aux plus offrants, pour leur seul enrichissement personnel et clanique.
Perspectives pour 2024
Qu’en sera-t-il de 2024 ?
L’année débute sur les chapeaux de roue avec les élections qui s’achèvent en RDC et qui se tiennent aux Comores pendant que l’ex-président Sambi, premier opposant au régime, entre dans sa sixième année de détention et que la répression suite aux premiers résultats contestés suite à des fraudes largement documentées sur les réseaux sociaux ont déjà donné lieu à un mort. Campagne électorale sous haute tension à venir aussi au Sénégal. Ce dernier a longtemps été cité en exemple pour la résistance de ses institutions démocratiques. Et malgré la répression terrible qui s’est abattue sur Ousmane Sonko le principal opposant privé de ses droits civils en 2023 et ses soutiens, ou encore Aliou Sané, Coordinateur de Y en a Marre et co-fondateur d’Afrikki détenu injustement depuis plusieurs mois malgré plusieurs décisions de justice et un large appel de la société civile, d’organisations et de personnalités publiques demandant sa libération, on peut légitimement se réjouir d’avoir fait échouer le projet de 3ème mandat porté par Macky Sall qui n’est guère ressorti grandi de son passage au pouvoir.
Conclusion
2024 en Afrique sous le signe de la résistance et la résilience
Pour finir cet inventaire sur une note plus positive, on notera que si la répression est féroce, c’est aussi parce que la résistance l’est tout autant. Les journalistes, les activistes et les opposants ne désarment pas. La clé de notre destin repose sur la capacité à renouveler l’ardeur et l’engagement dans nos rangs malgré les distractions et la sape du système éducatif, plutôt dédié à créer des futurs agents du capital que des citoyens conscients à l’esprit critique aiguisé.
Afrikki adresse au nom de toutes ses organisations membres un vœu de résistance et de résilience à tous les hommes et les femmes emprisonnées arbitrairement et exilés sans espoir de retour pour avoir osé dire la vérité, dénoncé les mensonges et exigé le respect des valeurs fondamentales dues à tout être humain et que l’on refuse encore à tant de citoyens africains.
Afrikki Network